lundi 4 janvier 2016

B17 Retour mouvementé

B-17F-5-BO  -  N° 41-24406  “All American“  97e BG - 414e BS
Photo US Air Force
Le 1 février 1943, la collision entre le  B-17 41-24406 et un chasseur allemand devint l’objet de l’une des plus célèbres photographies de la deuxième guerre mondiale.

De nombreux articles ont été écrits au sujet de cette collision, mais plusieurs commentaires lus dans divers forums sur internet signalent que certains articles sont erronés.
Un exemple flagrant est la présence imaginaire de chasseurs P-51 protégeant le B-17 au-dessus de la Manche alors qu’en réalité ce bombardier avait décollé de Biskra en Algérie et était parvenu à retourner à cette même base.

Afin de coller le mieux possible à la réalité, nous nous basons sur le récit de Ralph Burbridge qui occupait la fonction de bombardier à bord du 41-24406 lors de cette mission historique.

Lors d’une interview accordée à Ralph Nichols  du Waterland Blog, Ralph Burbridge raconta la mission et corrigea les erreurs parues sur le web concernant le retour à la base de l’avion endommagé.

Le premier février 1943, décollant d’une base près de Biskra, une oasis située dans le désert du Sahara en Algérie, la mission du 414e  Squadron avait comme objectifs les ports de Bizerte et de Tunis.
Les Messerschmitts allemands essayèrent une fois encore d’empêcher l’approche des bombardiers américains, y compris le « All American ». En approchant de l’objectif, les
B-17 volèrent à travers un effrayant feu d’armes antiaériennes.
Après avoir largué leurs bombes, les B-17 firent demi-tour et les chasseurs ennemis les poursuivirent dans les limites de leur rayon d’action. Mais après avoir quitté l’objectif depuis longtemps et avoir subi plusieurs attaques de chasseurs, nous vîmes deux autres Messerschmitts grimper à deux miles sur notre droite.
Ils vinrent vers nous en effectuant une attaque frontale, le premier directement vers le nez de l’avion de tête et l’autre vers notre avion. Je visai celui qui venait vers nous avec la mitrailleuse avant de calibre .30. Harry Nuessle, le navigateur, visa l’autre chasseur avec la mitrailleuse .50 du côté avant droit.
Notant que Nuessle et moi n’étions que des mitrailleurs occasionnels, nous essayâmes de toucher l’ennemi visant l’avion de tête. Le chasseur fut aperçu pour la dernière fois descendant en flammes dans le lointain.
L’autre chasseur continua vers l’avion de tête et ses ailes semblaient en feu à cause de ses mitrailleuses en action. Lorsque le pilote allemand fut à environ 300 yards, il vira en piquant pour s’éloigner du « All American » après son attaque. Mais, arrivé à environ la moitié de sa manœuvre, mes tirs ou ceux de l’avion de tête devaient avoir tué le pilote ou endommagé l’avion. Il ne réussit jamais sa manœuvre de virage rapide pour passer sous notre avion.
Durant un horrible instant, il fut juste à quelques pouces de la partie supérieure avant de notre B-17. Il passa au-dessus de nous avec un « swoosh » bien audible couvrant le « roar » des moteurs Wright Cyclone de notre avion, suivi d’un énorme choc et d’un « whoomp ».
Bragg informa rapidement l’équipage qu’il y avait un trou à l’arrière et sur le côté de l’avion. L’avion allemand avait entaillé la moitié de la partie arrière de l’avion. L’autre côté et la dérive semblaient devoir se détacher à tout moment.
Miraculeusement, personne ne fut blessé, mais durant ces incidents, l’avion de tête fut perdu (voir la note au bas du récit). Les 10 hommes à bord de notre B-17 mirent leur parachute et s’apprêtèrent à sauter au cas où le restant de la queue commencerait à se détacher.
Lorsque les autres équipages virent que nous étions toujours en vol, ils se mirent en formation autour de notre « All American » et restèrent avec nous jusqu’au-delà du territoire ennemi tandis que des chasseurs américains assuraient notre protection.
Une fois hors de portée des avions ennemis le reste des avions accéléra et retourna à la base. Une fois seuls, il nous sembla que le trajet de retour dura 10 ans, mais ce ne fut pas aussi long en réalité. Sans trop savoir comment, le pilote prit soin de l’avion endommagé et nous ramena à la base bien après tous les autres.
Bien que le « All American » ait atterri en toute sécurité, la roue arrière n’était pas descendue et l’avion dérapa sur une centaine de yards. Notre équipe au sol avait perdu tout espoir et ils furent vraiment très heureux de nous revoir. Le chef mécanicien avait les larmes aux yeux.
Après l’arrêt de l’avion, la porte s’ouvrit et l’équipage sortit en sécurité. L’ambulance avait été renvoyée au moment de l’atterrissage, elle n’était pas nécessaire.
On prit plusieurs photos de la queue endommagée, celle-ci s’affaissa finalement lorsque l’équipe au sol entra à bord pour une inspection.

Le livre « The B-17 Flying Fortress » par Steve Birdsall et Roger Freeman cite un témoignage du pilote expliquant que le mitrailleur arrière put revenir vers l’avant de l’avion:
« Lorsque j’ouvris la porte du compartiment radio et regardai dans le fuselage, je fus stupéfait. Une masse de métal déchiré me sauta aux yeux. Des fils pendaient et des feuilles de métal claquaient dans l’air entrant par les déchirures du fuselage. Les ¾ de l’avion avaient été cisaillés par l’avion ennemi et une large section d’aile de Me 109 s’était fichée dans la queue de notre avion. La queue ne tenait plus que par quelques minces longerons et une  étroite bande métallique.
Rampant le long de cette bande étroite, le Sgt Sam Sarpolus, le mitrailleur arrière, ramenait avec lui son parachute et 4 écouvillons »

La photo en vol fut prise au dessus du désert nord africain par un équipier d’un autre B-17. Burbridge raconte qu’ils n’auraient jamais pu faire croire à quelqu’un qu’ils avaient volé avec un demi stabilisateur horizontal et un gouvernail très bancal.

Peu après les faits, le chanteur Eddie Cantor dédia sa chanson « Comin’in on a Wing and a Prayer » au pilote et à son équipage. Ce chant devint le numéro1au hit parade de 1943. 
Photo : bytesdaily.blogspot.be
Ralph Burbridge était le dernier survivant de l’équipage du « All American ».
Il est décédé le 3 février 2013.

Note: 
L’avion de tête fut abattu. C’était le B-17 41-24477 piloté par le Major Robert Coulter.  Seuls 3 membres d’équipage purent sauter en parachute et survécurent.

Nous avons deux versions concernant la perte de ce  41-24477 :
1- Suivant le livre « B-17 Flying Fortress Units of the MTO » de William N. NESS, « un chasseur allemand aurait d’abord percuté le 41-24477 en lui arrachant une aile avant de percuter le « All American ».
2- Version donnée sur le site suivant:

Suivant l’historien Steve Birdsall sur le forum Army Air Forces, le pilote allemand étant entré en collision avec le 41-24406 est le  Sergeant Erich Paczia, un as du 6/JG 53 pilotant un Bf 109G. D’autres recherches signalent que ce squadron à revendiqué un B-17 abattu à Pont du Fahs, au sud de Tunis. Cette victoire a été attribuée au Lt Julius Meimberg. Celui-ci a été aussi été abattu  et à pu sauter en parachute.

Ce serait donc Meimberg qui aurait abattu le 41-24477 avant d’être touché lui-même.
  
Photo: Reddog1944.com
L’équipage du « All American »
Debout, de G à D: Elton Conda, mitrailleur ventral; Mike Zuk, mitrailleur latéral; Hank Hyland, chef de l’équipe au sol; Joe James, mécanicien de bord; Sam Sarpolus, mitrailleur arrière; Paul Galloway, opérateur radio.
 A genoux, de G à D: Harry Nuessle, navigateur; Godfrey Engle, co-pilote; Ken Bragg, pilote; Ralph Burbridge, bombadier.

La photo de l’avion en vol fut envoyée par le navigateur Harry Nuessle à son épouse dans une lettre qu’il adresse d’abord au censeur avec le commentaire suivant :
« S’il existait des lois, règles ou filtrages contre le fait d’'envoyer la photo ci-dessous à ma femme, s'’il vous plait refermez le pli et retournez le moi ; c’est une prise de photo unique et je détesterais  la perdre. »
Photo: Reddog1944.com
A droite de la photo on peut lire qu’elle a été prise par Cliff Cutforth.
Le Lt  Cutforth était navigateur sur le B-17 41-24412.
Voici quelques photos de l’avion après son atterrissage à Biskra.



Photo Fol3.com

Photo Fol3.com

Photo Fol3.com

Emblème du 414e  Squadron après l’aventure du « All American »