jeudi 24 février 2011

Crash d'un B17 à Roches de Baclain le 29 janvier 1944

B-17- N° 42-31040 “Duffy’s Tavern“ 379e BG - 527e BS
MACR 2873
L’équipage complet du “Duffy’s Tavern“.
Angleterre le 19 novembre 1943. Photo Fold3.com
Debout de G à D:
D. Hoverkamp, E. Hoppe, M. Sheppard, W. Shepard, F. Paisano
Accroupis de G à D:            
C. Budelman, H. Lawson, O. Taylor, B. St John, W. Prosperi
Equipage du « Duffy’s Tavern »

Pilote

Capt
Douglas K. HOVERKAMP
EVD
Co-pilote
1Lt
Ernest J. HOPPE

PG

Bombardier
1Lt
Frank PAISANO
PG
Navigateur
1Lt
Meyles A. SHEPPARD
EVD
Tourelle Supérieure
T/Sgt
Wendell J. SHEPARD
PG
Radio
T/Sgt
Orvin TAYLOR
EVD
Tourelle ventrale
S/Sgt
Benjamen H. St JOHN
EVD
Mitrailleur latéral
S/Sgt
Howard W. LAWSON
EVD
Mitrailleur latéral
S/Sgt
Clement C. BUDELMAN
EVD
Mitrailleur arrière
S/Sgt
Warren J. PROSPERI
EVD

Les sous-officiers de l’équipage. (Photo Fold3.com)
De G à D: W. Sheppard, C. Budelman, H. Lawson, B. St John, O.Taylor, W. Prosperi.

Le 29  janvier 1944, lors du retour d’une mission sur Francfort, le « Duffy’s Tavern » a dû être évacué par son équipage.

 

Tous les hommes avaient pu atterrir sains et saufs et plusieurs purent échapper aux allemands. Les rapports d’évasion contiennent peu d’informations exploitables car les documents  manuscrits sont quasiment illisibles, sauf celui du 1Lt Meyles Sheppard.
Nous en retiendrons simplement que : 
- Le Cpt Hoverkamp a atterri près de Baclain
- Le T/Sgt Taylor a aussi atterri près de Baclain. Il a rencontré le Cpt Hoverkamp 20 minutes après son atterrissage.
-Le S/Sgt Prosperi signale avoir atterri près de Stavelot.
- Les S/Sgts Budelman,  Lawson et St John atterrissent près de Gouvy. Ils seront aidés par des agents des douanes et passeront 2 ou 3 jours à Salmchâteau avant d’être conduits à Liège.

Anecdote :
Les rapports de H. Lawson et B. St John signalent que le «  P-51 N° 275051 s’est écrasé à Liège près de chez « John Cockerill and Son’s » le 20 février 1944. Le pilote a été tué. »

Nos recherches ont effectivement permis de trouver la trace d’un avion portant le même numéro et qui s’est écrasé à cette date.
Cependant il ne s’agit pas d’un P-51, mais bien d’un P-47 piloté par le 1Lt Richard I. Reed.
Il participait à une mission d’escorte de bombardiers. Son avion aurait été endommagé lors d’un combat aérien dans la région d’Aix la Chapelle. Avant d’être touché lui-même, il avait abattu un Bf-110 allemand en collaboration avec un de ses collègues, le 1Lt Riley.   
Il faisait partie de 335e Fighter Squadron du 4e Fighter Group.
Sources: MACR: N° 2664.
Livre:  4th Fighter Group ”Debden Eagles” Osprey Publishing.

Informations complémentaires du site http://www.cometeline.org/

Le copilote, Lt Ernest J. Hoppe sera fait prisonnier.

Le bombardier Lt Frank Paisano  Jr, d’abord évadé, sera arrêté par la suite, de même que le mitrailleur dorsal T/Sgt Wendell J. Shepard.


Le rapport du 1Lt Sheppard  est très détaillé et bien lisible. Voici son récit :
Le moteur #1 perdait à l’huile avant que nous ne franchissions la côte française, mais nous continuâmes vers l’objectif, nous étions le guide de réserve.
La situation autour de l’objectif était très mauvaise et nous perdîmes une demi heure au dessus de l’objectif afin nous placer en file pour le bombardement. Quelques temps après le largage des bombes, un moteur tomba en panne, puis un deuxième, puis un troisième.
Lorsque nous n’eûmes plus qu’un seul moteur en fonctionnement, le pilote me demanda combien de temps il nous fallait pour gagner la côte. Lorsqu’il réalisa que nous n’aurions pas le temps d’y arriver, il ordonna aux hommes de sauter en parachute quand ils le voudraient. Nous restâmes tous calmes tout en nous hâtant d’évacuer l’appareil. Je suivis le bombardier (Frank Paisano). Je quittai l’avion vers 12000 pieds, mais je n’ouvris  le parachute que vers 5000 pieds. Le plafond était bas et je ne vis le sol qu’à 1000 pieds.

J’atterris dans une grande forêt au sud de Prüm, à environ 100 mètres d’un homme et d’une femme coupant du bois. Bien que mon parachute fut accroché dans les arbres, je n’en reçu pas moins une fameuse secousse. Je ne pus pas retirer mon parachute de cet arbre, et je ne pus enterrer que mon harnais et ma veste de sauvetage et le m’éloignai en direction du sud ouest. Je contournai le couple que j’avais vu travailler et qui, de toute évidence, ne m’avait pas vu. Je marchai tout l’après midi dans une région de collines.
  
Vers 17h30, j’arrivai à l’orée de la forêt. Je regardai autour de moi et je ne vis rien de dangereux. Mais juste en sortant des bois, je vis une sentinelle armée d’un fusil arrivant vers moi à une distance d’environ 100 mètres, elle avait été cachée par des buissons.
Je rebroussai chemin immédiatement en faisant un cercle et je l’évitai.
Je changeai de direction vers le sud est pour rester à couvert et je gardai mon cap jusqu’au soir. Cette nuit-là, je dormis dans un bouquet d’arbres, mais je me réveillai souvent à cause du froid. J’étais vêtu d’une chemise kaki, d’un pantalon rose,  d’une tenue de vol électrique, d’une veste A2 et d’une combinaison. Aux pieds, j’avais des chaussures électriques et des bottes de vol. Durant la journée j’avais rempli ma gourde d’eau, je mangeai un tiers de ma barre de chocolat et quelques tablettes Horlicks (tablettes énergétiques). 

Je me réveillai le matin et me dirigeai à nouveau vers le sud ouest. Vers 9h, je traversai une ligne de chemin de fer et je rencontrai un civil traversant le champ dans ma direction. Je m’écartai de lui et il m’observait. Je pensai qu’il me suivait mais quand je me retournai, je ne le vis plus.

Vers 15h00, j’arrivai à l’orée du bois et je regardai avec soin autour de moi avant de m’engager en terrain découvert. J’aperçus, à une certaine distance, un soldat allemand armé d’un fusil. Je tournai avec précautions à travers bois et je vis le même civil que j’avais vu le matin. Il était accompagné de 3 autres hommes, tous armés de fusils. Je fis marche arrière et je me mis à couvert à un endroit d’où je pouvais observer le soldat allemand. Les autres s’avancèrent vers lui, lui parlèrent, puis marchèrent avec lui hors de vue.
Je continuai mon chemin le reste de la journée. Mes chaussures électriques et mes bottes de vol rendaient ma marche difficile et désagréable car elles étaient humides et le restaient tout le temps lors de la traversée de cours d’eau. Le froid ne rendait pas la situation plus agréable.
Ce jour-là, je mangeai un autre tiers de la barrette de chocolat, je bus un peu de lait et des tablettes Horlicks. Celles-ci me rendirent malade et j’ai eu beaucoup de problèmes pour les digérer. Je bus beaucoup d’eau ce jour-là et je pris soin d’utiliser régulièrement les tablettes de Halazone (destinées à purifier l’eau).
Je me reposai à un endroit où les branches basses de trois ou quatre arbres procuraient un léger abri.

Le troisième jour, rien ne se passa. Je traversai beaucoup de champs et je vis beaucoup de personnes de loin. Certains fermiers me virent mais semblèrent ne me prêter aucune  attention. Il me semblait que je n’étais pas en territoire sûr,  et je ne m’arrêtai pas pour leur parler. Je me déplaçais dans une région très accidentée.

Cette nuit-là, je dormis encore dans les bois et je constatai que le froid était plus intense que les autres nuits. Auparavant, j’avais suspendu ma gourde à eau et une couche de glace
s’était formée au sommet, cette fois, c’est tout le contenu qui était gelé. Je n’eus pas beaucoup de repos.

Le quatrième jour, rien de spécial. J’ai juste continué de marcher. A ce moment, les provisions de mon kit d’évasion étaient presque épuisées. Comme je sortais des bois pour descendre dans une vallée et traverser un cours d’eau, je vis deux hommes sur une charrette venant vers moi. L’un des deux avait un objet sur son épaule et j’ai pensé que c’était peut-être un fusil. Je ne pris pas le temps de regarder plus soigneusement et je descendis dans la vallée pour être hors de vue.

Je trébuchai deux fois sur des pièges à lapin, je me relevai et je trébuchai sur un autre. Je ne fus apparemment pas vu durant ce temps.
Quand je regardai dans les bois de l’autre côté, je vis ce que je croyais être un fusil, mais c’était une hache.

Plus tard dans la journée, j’arrivai à un endroit où un certain nombre de personnes travaillaient dans les champs, et je ne pus pas les contourner.
J’attendis environ une heure et demie jusqu’à ce que les personnes retournent chez elles.
J’arrivai près d’une grange fermée de trois côtés. Elle contenait du grain, j’y passai la nuit.
Ce jour-là, je mangeai un peu plus de tablettes de lait malté et des chewing gums.
Je trouvai quelques petites pommes de terre qui n’étaient pas en très bon état et je bus beaucoup d’eau.
Cette nuit-là, je pus me reposer mieux que précédemment.

Le cinquième jour, je me déplaçai comme auparavant à travers bois et champs. Rien ne se passa. Je vis des gens dans le lointain, ils ne purent voir comment j’étais habillé.
La campagne devenait un peu meilleure. J’avais perdu une de mes boussoles, et l’autre était couverte d’humidité. Quand j’essayai de la sécher, le verre se cassa mais elle était toujours utilisable.
Tard dans l’après-midi, j’arrivai sur une colline d’où je pus voir une ville dans le lointain.
Je m’arrêtai près d’un village et je me cachai dans une haie le long de la route jusqu’au crépuscule pour aller jusqu’à la première maison. Pendant ce temps, j’observais les gens qui marchaient sur la route.
Je commençai à avoir faim et, au crépuscule, je me dirigeai vers la première maison. L’excellente haie protectrice se prolongeait jusqu’à la troisième maison. J’approchai de la porte de l’étable. Quand une femme arriva, je luis dis « Je suis un aviateur américain, pouvez-vous m’aider ? »  Elle sembla surprise et s’en alla. Comme elle ne semblait pas inamicale, j’attendis de voir ce qui allait se passer. Elle revint avec son mari et un autre homme. Ils me parlèrent et comme ils comprirent que j’avais faim, ils m’apportèrent à boire et à manger.
Ils me dirent d’attendre et ils allèrent chercher le prêtre du village, il parlait anglais.
Il me questionna soigneusement afin de savoir qui j’étais. Il sembla satisfait à la vue de ma plaque d’identité. Il me dit que les personnes que je venais de rencontrer étaient amicales, mais certains de leurs proches ont été envoyés dans des camps de concentration en Allemagne pour avoir aidé des aviateurs américains. Ils allaient essayer de me fournir des vêtements et me loger pour la nuit, mais il faudra que je parte avant l’aube.

Il me dit que les voisins des deux côtés étaient pros allemands, je réalisai ainsi que j’avais eu beaucoup de chance d’arriver dans cette maison. Je reçu un excellent repas et des vêtements civils que j’enfilai au dessus de mon uniforme. Ils me dirent de quitter le Luxembourg, où j’étais, et d’aller en Belgique plutôt qu’en France car la frontière était sévèrement gardée.

Je quittai tôt le matin accompagné par l’homme de la maison. Nous traversâmes le village et il m’indiqua le chemin. Rapidement il me sembla entendre quelqu’un criant « Halt », mais comme le son n’était pas très proche, je continuai de marcher et rien ne se passa.
Je marchai le long de la route jusque vers 13h rencontrant beaucoup de personnes à pieds ou à vélo. Personne ne sembla s’intéresser à moi et je voulus me diriger vers l’ouest. Comme aucune route du village que je venais d’atteindre ne se dirigeait vers l’ouest, je repartis dans les chemins et les champs.

Ce jour-là, les choses commencèrent à se gâter. Je détériorai ma gourde en la cognant contre du fil de fer barbelé, et depuis ce moment je ne pouvais plus boire que l’eau des ruisseaux.
Il commença à neiger intensément. De plus, je devais maintenir ma boussole au sec afin que je puisse continuer à l’utiliser. Je continuai à travers champs jusqu’au soir et je dormis dans les bois cette nuit-là.
J’avais été enrhumé lors de mon saut en parachute et je m’attendais à avoir une pneumonie, mais cela ne sembla pas se produire.

 Le septième jour, j’arrivai hors des bois vers 10h et je longeai des routes le restant de la journée. Vers 16h30 je traversai une ville, Habay la Neuve, dans laquelle les indications étaient uniquement en français plutôt qu’en français et allemand, j’étais arrivé en Belgique. La localité  n’était pas sur la carte mais je continuai de marcher. J’avais l’intention de demander de l’aide dans cette ville, mais à cette heure chacun semblait revenir du travail il y avait trop de monde dans les rues pour essayer de contacter quelqu’un. Je continuai et je rencontrai des centaines de personnes revenant des usines.
Il neigeait toujours abondamment et je souhaitais trouver un endroit où loger. J’arrivai dans un village dont la rue était déserte et je toquai à la porte d’une maison. Je dis aux habitants que j’étais un aviateur américain et que j’avais besoin d’aide. Un homme me toisa de haut en bas et m’amena dans la cuisine. Il vit que j’avais froid et il me servit un verre de Brandy.
Une femme me donna de l’eau pour laver mes pieds. Ils me nourrir et me dirent que je pouvais passer la nuit.

Le soir suivant, un ami vint et la suite de mon séjour fut organisée.

Le Lt Sheppard reçu la « Bronze Star » pour la réussite de son évasion remarquable et sa conduite exemplaire durant les 7 jours de son expédition.

Des informations très intéressantes au sujet de cet avion sont aussi parues sur le site suivant :

Vous pourrez y lire que le B-17 42-31040 s’est écrasé près des « Roches de Baclain » non loin d’un camp de maquisards qui récupérèrent les mitrailleuses arrière avec lesquelles ils purent repousser une attaque allemande.



L’épave du B-17 près des « Roches de Baclain »


Les mitrailleuses arrière d’un B-17

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